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Liber

The Cult of Mithras in the Roman Provinces of Gaul

V. J. Walters

On ne saurait qu'applaudir à l'idée qu'a eue V. J. Walters de faire le point des découvertes mithriaques en Gaule romaine. Son projet reste dominé par le découpage administratif des « Roman provinces of Gaul ». Mais compte tenu de l'ensemble que ce…

On ne saurait qu'applaudir à l'idée qu'a eue V. J. Walters de faire le point des découvertes mithriaques en Gaule romaine. Son projet reste dominé par le découpage administratif des « Roman provinces of Gaul ». Mais compte tenu de l'ensemble que ces provinces constituent du point de vue cultuel et socio-économique, cette synthèse s'imposait, et d'ailleurs l'auteur ne s'interdit pas de souligner opportunément les relations des pays gaulois avec ceux du Rhin, par exemple. Présenté d'abord comme thèse à l'université de Manchester — qui accueillit en 1971 le premier Congrès International d'Études Mithriaques — ce travail méthodique et bien informé se compose, comme les Textes et monuments de F. Cumont, des deux grandes parties canoniques : 1) un commentaire du matériel ; 2) un catalogue des « inscriptions et monuments ». Pourtant, le premier volet de ce diptyque s'ouvre sur un catalogue des Mithraea conservés ou attestés. Or il me semble que les murs et les structures d'un sanctuaire font partie des « monuments ». C'est ainsi que l'a entendu le directeur même de la collection, M. J. Vermaseren, en son Corpus inscriptionum et monumentorum religionis Mithriacae.

Dans son premier chapitre (« The sites of Mithraic sanctuaries »), V. J. Walters ne retient que les Mithraea reconnus comme tels, avec les podia. Ni le « sepulchre » de Saint- Just (Lyon) dont parle G. Paradin, ni le « petit édifice souterrain et voûté » de Vienne, ni les ruines de la « villa » de La Bâtie-Montsaléon, ni la « cave » de Valence où fut découverte une dédicace à Cautès, ni les colonnes de granit, les « marbres » et les pierres de grand appareil trouvés dans le contexte de YAiôn d'Arles ne sont comptés comme indications dignes d'une mention dans cet inventaire préalable des lieux de culte. Je reconnais qu'elles demeurent imprécises et invérifiables. Elles fournissent néanmoins quelques éléments d'appréciation sur l'importance ou la modestie relatives des Mithraea, sur la richesse de leur décor, voire — dans certains cas — sur leur situation par rapport au centre urbain. Si le Mithraeum de La Bâtie-Montsaléon était vraiment installé dans une « villa » gallo-romaine, il y aurait lieu de comparer celui de l'Altbachtal, également aménagé dans une demeure privée, ce qui fait songer aux premières assemblées chrétiennes chez des particuliers.

Les descriptions de l'auteur sont aussi consciencieuses que possible. Elle a tiré le meilleur parti souhaitable des renseignements qu'elle tenait de la littérature antérieure. Je note seulement qu'en ce qui concerne le mithréum de Sarrebriick, il fallait citer et utiliser R. Schindler, Neue Untersuchungen am Mithras Heiligtum in Saarbrücken, Bericht der stattlichen Denkmalpflege im Saarlande (Beiträge z. Saarland. Archäologie und Kunstgeschichte) , 10, 1963, p. 119-136 ; voir aussi le plan du « Führer » reproduit par M. -Th. et G. Raepsaet-Charlier, Gallia Belgica et Germania Inferior, dans Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II, 4, Berlin-New York, 1975, p. 193, fig. 41. Je ne crois pas que le mithréum des Bolards (sur lequel l'auteur revient en Addendum, p. 163) soit postérieur à l'époque sévérienne ; peut-être même date-t-il de la fin de l'époque antonine à en juger par l'appareil des murs et par la facture des éléments sculptés, notamment de la colonnette à décor végétal. Telles quelles, les monnaies ne prouvent rien, car on n'est pas sûr de les avoir toutes ! (la même remarque s'impose à l'endroit d'autres sites célèbres de la Gaule romaine...). On peut regretter que V. J. Walters n'esquisse (p. 30) aucune espèce de conclusion synthétique sur la répartition des Mithraea et sur la chronologie (au moins hypothétique) de leur implantation.

Le second chapitre, il est vrai, tente une étude ethnico-sociologique des dedicante de monuments mithriaques. L'auteur y minimise, voire annihile quasiment l'importance des militaires. Elle ne retient que les deux dédicaces du frumentarius de Lyon (n° 19) et du soldat Firmidius Severinus (n° 55) ; encore leur caractère mithriaque serait-il douteux du seul fait qu'elles sont consacrées Deo Invicto et non pas à Mithra nommément. C'est pousser un peu loin le « criticism ». Nous ne connaissons l'inscription n° 19 que par G. Paradin : je pense que le dédicant Secundinius Donatus est le même que le Secundinus du bas-relief n° 18 (cf. le Marcelleus de Sarrebourg, n° 35, qui est apparemment le même individu que le Marcellius du monument n° 36, comme le reconnaît V. J. Walters p. 106). Mais « the provinces of Gaul were not garrisoned » (p. 31) : et la garnison de Lyon dont Ph. Fabia a raconté l'histoire (Lyon, 1918) ? Il en est d'ailleurs fait état p. 83. En tout cas, soldats et vétérans ont parcouru la Gaule en long et en large comme en témoigne l'épi- graphie, et le mithriacisme n'est pas le seul culte d'origine orientale qu'ils aient véhiculé. Les éléments de souche étrangère ont, sans aucun doute, joué un rôle notable dans la diffusion des religions levantines (p. 32 sqq.). Mais par rapport à l'immense inconnue ethnico-démographique de la Gaule romaine, les petits nombres dont nous disposons n'autorisent guère de statistiques. Par le canal de l'armée (p. 34), le mithriacisme peut avoir recruté en Gaule même quelques adeptes locaux, même si ce culte « had a cosmopolitan appeal » (p. 37). Il y aurait lieu, je crois, d'analyser dans les monuments de facture artisanale et populaire ce qu'on pourrait appeler l'indigénisation de l'imagerie mithriaque (cf. en particulier le Cautès d'Elusa et tout le matériel céramique).

L'étude et les découvertes de la céramique ont enrichi très utilement le dossier gallo-romain du mithriacisme (chap. 3). Certes, deux questions doivent être posées préliminairement : la « symbolique » mithriaque était-elle comprise des potiers de Lezoux qui estampaient la représentation du dieu tauroctone ? Les vases ornés de pareils motifs étaient-ils spécialement fabriqués pour les adhérents du culte persique (p. 38 et 41) ? Sur le premier point, on ne peut qu'être très réservé, voire tout à fait sceptique. Le second est beaucoup plus délicat à trancher dans un sens ou dans l'autre. Au total, il ne semble pas que les thèmes mithriaques aient joui d'une très abondante diffusion dans la céramique, et l'on ne voit pas que leur intérêt purement décoratif ait pu les populariser. La présence d'une déesse à cornucopiae et d'un « dieu jouant de la syrinx » sur le vase de Lezoux (1, p. 149) n'exclut pas que cette production très particulière ait intéressé surtout des mithriastes. Des similitudes de style apparentent ce vase à la céramique d'Alésia que R. Sénéchal {Contribution à V étude de la céramique à reflets métalliques recueillie à Alésia, Dijon, 1972) date de la première moitié du me siècle apr. J.-C.

Le chapitre 4 («Mithras and the gods of Gaul ») met naturellement l'accent sur les relations du dieu persique avec Mercure, Apollon et les sanctuaires de sources. D'autres cultes indigènes sont liés localement ou du moins juxtaposés à celui de Mithra : Sucellus et Nantosvelta à Sarrebourg, Cissonius à Königshoffen. Il faut noter aussi que des Mithraea sont attestés dans certains centres commerciaux, villes-carrefours de foire et de passage, comme Entrains ou Les Bolards, où l'on venait traiter à la fois ses affaires de santé (donc de religion) et ses affaires tout court. En ce qui regarde ces deux stations d'Entrains et des Bolards, E. Thévenot avait fait valoir l'existence du culte bacchique et du vignoble qui auraient facilité l'implantation du mithriacisme {Mithra, dieu de la vigne ? dans Rev. Arch, de Γ Est, 3, 1952, p. 127). V. J. Walters n'en dit rien, non plus que des parallélismes du « dieu-cavalier » avec Mithra (E. Thévenot, Le dieu-cavalier, Mithra et Apollon, dans La Nouvelle Clio, 1-2, 1949/1950, p. 602 sqq.).

La carte de répartition des témoignages mithriaques en Gaule (n° 2) met bien en évidence la part prépondérante de la moitié est de la Gaule et l'importance en ce domaine (comme en beaucoup d'autres) de l'axe Rhône-Rhin. A cet égard, une conclusion substantielle manque à la première partie du livre de V. J. Walters.

Le catalogue (p. 53 sqq.) est précieux et bien informé. Ori n'en discerne pas très clairement Tordre de présentation qui correspond à un itinéraire assez capricieux : on part d'Arles pour aller à Elusa, à Sextantio, à Vaison, puis à Bordeaux, à Saint-Aubin, à Bourg-Saint-Andéol, La Bâtie, Vienne, Lyon, Vieu, Les Bolards, Entrains, avant de monter à Sarrebourg, puis à Trêves, pour redescendre ensuite à Apt, remonter à Dyo (près de Charolles), redescendre à La Lagaste, puis remonter à Lillebonne...

Dans les transcriptions épigraphiques, plusieurs barres de séparation ont été omises, ce qui fausse complètement, ici et là, la vision de la « mise en page » des inscriptions : p. 65, n° 10 ; p. 87, n° 21. Sur la dédicace de Bourg-Saint-Andéol, voir maintenant R. Lauxerrois, dans Revue du Vivarais, 3, 1972, p. 3-14 : il faudrait lire Nùminibius) Augustor(um)/T. Aur(élius), etc. L'auteur compte (à tort, je crois) le relief de Saint- Aubin (p. 69, n° 12) parmi les monuments mithriaques, tout en reconnaissant que la représentation de ce prétendu « Mithra pétrogène » est « quite exceptional » ; elle affirme (p. 69, n. 1) ne connaître aucune localité du nom de Saint- Aubin dans l'Indre ; elle cherche donc ailleurs, en Ille-et- Vilaine ou dans le Jura, sans tirer le lecteur du doute qu'elle suscite inutilement (et la carte n° 2 ne mentionne pas Saint-Aubin). Il existe pourtant bien dans l'Indre un village de ce nom qui est distant d'Issoudun à vol d'oiseau de quelque dix kilomètres au sud/sud-est. Je signale aussi que la stèle tombale de Caesiccia Januaria et de G. Rufius Eutactus (p. 85) se trouve à Belley, au lycée Lamartine, où je l'ai vue en mai 1972.

V. J. Walters fait d'intéressantes remarques sur l'anthroponymie. Mais si l'on pousse la recherche dans ce sens, je pense qu'on peut aller plus loin, en ce qui concerne (par exemple) le nomen Rufius du médecin Eutactus : en effet, Ruffieu en Val Romey conserve apparemment le souvenir d'un grand domaine appartenant aux Rufii dont Eutactus devait être l'affranchi. Mais il faudrait pouvoir déterminer à quand remonte exactement le toponyme Rufiacum ou Ruffiacum.

On ne voit pas que dans l'inscription consacrée Deo Soli pour le « salut » de C. Amandus et de son fils, « the presence of a praenomen would suggest a date not later than the second century A. D. » (p. 87), car plusieurs dédicaces explicitement datées du iiie siècle indiquent le prénom. Rien n'exclut, en revanche, que le Cautès des Bolards (n° 22) ait pu être sculpté vers la fin de l'époque antonine. Dans la duplication du Τ (ANTTIOCVS, au lieu d'ANTHIOCVS, qui est attesté ailleurs), on peut voir l'indice d'une prononciation ou d'une notation particulière du thêta, plutôt qu'une erreur du graveur, « a mistake by the carver » (p. 89). A propos du lion à l'urne couchée (n° 24 et pi. X), où l'on a voulu voir une illustration du culte local des eaux, l'auteur rapproche un plat de Trêves où le félidé, le cratère et le serpent représenteraient trois des quatre éléments (p. 91), le coq et le corbeau symbolisant l'air (p. 156). Mais les éléments vont toujours par quatre, et si vraiment l'oiseau correspondait à l'air, il serait constamment associé au lion et au cratère qu'enlace un serpent. On sait qu'il n'en est rien. Cette symbolique des éléments héritée de F. Cumont et contestée à bon droit par E. Will me paraît désormais caduque. Il n'est pas évident non plus que, sur le piédestal à reliefs de Trêves (n° 45), la flèche représente l'élément aérien (p. 116) : n'a-t-elle pas servi à faire jaillir la source dans le « watermiracle » ? Au surplus, je ne vois pas que sur cette face du monument (pi. XXIII) le lion soit « walking », puisqu'il est assis, sans bouger, face à l'arbre et au serpent.

Dans la description du relief trévire n° 39 (« the cosmic birth of Mithras »), l'identification de plusieurs détails est utilement rectifiée : par exemple, le foudre posé contre un globe armillaire dans le tympan. Mais l'auteur escamote le problème posé par ce que M. J. Vermaseren interprète comme un « canthare », à l'extrême droite du tympan. Elle ne dit rien non plus des sept rayons qui hérissent le globe sur l'un des deux autels dédiés par Martius Martialis (pi. XX et p. 1 12). Elle a sans doute raison de reconnaître dans les deux pileati de Boulogne non pas Cautès et Cautopatès, mais les Dioscures (p. 138). Très justement aussi, elle détecte un Attis dans une statuette (pi. VI) que L. Valensi supposait être un Cautès (p. 66).

Deux appendices cataloguent respectivement les « rejected monuments » (A) et la documentation céramique (B). Parmi les premiers comptent la mater sacrorum de Besançon (sur laquelle cf. L. Lerat, Besançon dans V Antiquité, dans Histoire de Besançon, Paris, 1964, p. 137 sq. : « culte à mystères d'origine orientale »), le prétendu mithréum des sources de la Seine, l'autel de Soulan, un bas-relief de Narbonne (Espérandieu, Recueil, I, n° 627) où V. J. Walters identifie correctement un Attis, la statuette du Tauroctone conservée à Princeton, le relief d'Ulpius Silvanus, ce vétéran de la IIe légion Auguste qui venait â'Arausio. Autrement dit, l'auteur rejette à la fois certains documents comme non mithriaques et certains autres qui sont mithriaques, mais dont elle conteste l'origine gallo-romaine. On peut s'étonner qu'elle ne veuille tenir aucun compte ni positivement, ni négativement du nom Mithres que porte un esclave fermier-receveur du Quarantième des Gaules au bureau de Tournon-sur-Isère {CIL, XII, 2348).

L'appendice Î’ fait état de tout le matériel connu avec soin et circonspection. A bon droit, V. J. Walters nie pour finir la signification mithriaque (H. Vertet, dans Rev. Arch, de VEst, 10, 1959, p. 324 sqq.) des motifs qui décorent le fragment de sarcophage en plomb trouvé à Saint- Auban (mauvaise photo pi. XL). Le personnage à bonnet « phrygien » ( ?) n'a rien à voir ni avec les représentations connues de Mithra, ni avec celles des dadophores. Quant à l'image des lions affrontés de part et d'autre d'un vase, elle est trop bien attestée dans l'art funéraire gréco-romain pour qu'on y déchiffre une référence au culte persique.

Contrairement à ce qu'écrit l'auteur (p. 152), il me semble que sur le bol d'Alise (fig. XXXIII) on distingue le scorpion, à gauche de l'organe génital du taureau. Quelques descriptions restent incomplètes : ainsi l'auteur ne se prononce pas sur ce qu'on aperçoit à gauche de la tête du Tauroctone sur le disque en terre cuite de Trêves (p. 154, n° 7 et pi. XXXVI) 1. Peut-on considérer le bol fragmentaire d'Alésia décoré à la barbotine comme un spécimen de poterie importée, achetée, utilisée « by the wealthier local inhabitants » (p. 152) ? S'il ne s'agit pas d'une vaisselle liturgique apportée par quelque mithriaste venu de Bretagne ou du nord-est de la Gaule, sa présence à Alésia peut tenir à des circonstances fortuites qui nous échappent.

Les indices multiples et locupletissimi sont très bien faits. En somme, un bon ouvrage de consultation, prudent, à jour et auquel ne font défaut que des vues conclusives et une certaine perspective d'ensemble.

Robert TURCAN.

Note additionnelle. — V. J. Walters ne fait pas état d'une dédicace Deo Invicto signalée par A. Blanc dans Gallia, 18, 1960, p. 201 sq. (= AE, 1961, 162) et dans Valence des origines aux Carolingiens, Valence, 1964, p. 124, n. 27. Je n'en ai pas tenu compte non plus dans mes Religions de l'Asie. On ignore, en effet, l'origine exacte de cet autel qui se trouvait au château de Beau vallon, paraît-il, avant de gagner le Musée de Valence. On aimerait avoir la preuve qu'il fut « découvert vers Beaumont » (A. Blanc, loc. cit.).

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