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Liber

Il Mitreo dei Castra Peregrinorum (S. Stefano Rotondo)

E. Lissi-Caronna

Lissa-Caronna details the excavation and findings of a mithraeum beneath San Stefano Rotondo, focusing on its decor, sculptures, and rituals.

'Avec la découverte récente du mithréum de Septeuil (Oise), c'est un des plus riches apports de ces dernières années à notre connaissance de la religion mithriaque.'

Henri Lavagne, Revue de l'Histoire des Religions, 1989.


Les fouilles menées à Rome entre 1969 et 1975 sous l'église de San Stefano Rotondo sur le Caelius ont mis au jour les restes d'un mithréum d'un intérêt remarquable, à la fois par son décor et par l'ensemble sculpté qu'il contenait. Les spécialistes de la religion de Mithra attendaient cette publication avec impatience, encore que les inscriptions du sanctuaire aient déjà été analysées par S. Panciera (dans Mysteria Mithrae, EPRO, n° 80, 1979) et que l'auteur du présent ouvrage ait donné différentes communications traitant de ses découvertes. Nous avons donc ici la présentation complète du sanctuaire et des sculptures en une cinquantaine de pages qui nous laissent parfois un peu sur notre faim, si l'on pense aux douze ans qu'il a fallu attendre pour prendre connaissance de ce matériel très riche. Mais ne nous plaignons pas trop, l'éditeur ayant consenti à 16 planches en couleurs et 26 en noir et blanc, ce qui, pour un petit ouvrage, n'est pas si courant dans l'édition savante d'aujourd'hui...

L'analyse du bâtiment est précise, montrant nettement les deux phases successives de cette chapelle, de taille relativement réduite au moment de sa création vers 180 apr. J.-C, agrandie du double vers la fin du 3e siècle, avec une transformation notable du décor. C'est d'ailleurs ce décor mural qui retient en premier lieu l'attention par le détail des observations techniques. On note la succession des trois couches picturales encore bien apparentes : les motifs géométriques lorsque la pièce appartient au casernement des soldats d'origine étrangère en poste à Rome, puis les peintures de caractère proprement mithriaque (avec notamment une admirable figure de Luna), enfin, dans la phase de restauration et d'embellissement du mithréum, de nouvelles fresques dans le style "faux marbre" si apprécié à époque tardive dans tout l'Empire. La découverte la plus spectaculaire consiste en un tauroctone de stuc peint et doré, en grande partie détruit, mais dont la niche cultuelle conserve encore le tracé préparatoire, comme dans les sinopies des mosaïstes, et dont la tête, somptueusement recouverte à la feuille d'or, a été retrouvée sur place.

Signalons, pour l'iconographie de la seconde phase, dans laquelle on remplace le tauroctone de stuc par un relief de marbre, le motif du cratère où s'abreuvent les colombes. C'est un bel exemple de la "vie des images", puisque cette image célèbre, créée par Sosos de Pergame, devenue poncif décoratif dans les jardins, reparaît en même temps dans l'art mithriaque et dans les peintures des catacombes avec la signification nouvelle de la fons perennis. Pour ce qui est des installations cultuelles, on attendrait une explication sur le petit réduit installé entre l'autel majeur et l'un des podia. L'entrée avec ses deux colonnettes dont l'une est surmontée de la pomme de pin fait penser à un emplacement de caractère plus sacré qu'une simple sacristie. D'une manière générale, il est frappant de constater que les reliefs et les statues les plus importantes ne paraissent pas avoir été placées dans l'axe du temple, les remaniements architecturaux (mur supprimé, portes obstruées) n'ayant pas entraîné une réorganisation totale du sanctuaire.

Il est probable d'ailleurs que le tauroctone de stuc de la première phase coexiste avec la même image, mais en marbre, et que dans la deuxième phase, un troisième relief de marbre représentant la scène fondatrice est ajouté à l'ensemble cultuel. Ce dernier relief a conservé une polychromie d'une fraîcheur exceptionnelle, qui restitue à l'imagination l'atmosphère bariolée et exotique de ces mithréa que notre goût de modernes pour les statues au marbre lisse et pur a du mal à concevoir. On remarque aussi deux statues du Petrogenes, émergeant de manière très réaliste de sa gangue de pierre, mais avec le visage enfantin des "bambino Jesu" du Quattrocento. Deux détails, rarement attestés dans l'iconographie mithriaque, la chouette et Hespéros, retiendront l'intérêt par leurs implications religieuses.

Enfin, un petit ex-voto de type danubien, analogue à celui du Dolichenum de l'Aventin que nous avions publié dans le volume d'Hommages à Pierre Boyancé (Coll. de l'Ecole française de Rome, 1974, p. 487) mérite d'être signalé, car il confirme l'importance de ces objets portatifs pour comprendre la circulation des images et l'influence des modèles étrangers dans la création de l'iconographie mithriaque. Il s'agit ici très vraisemblablement d'un ex-voto apporté par un soldat des régions du Danube en garnison aux castra peregrinorum. La présence d'un Télesphore et d'une tête d'Isis est plus délicate à interpréter, les liens entre Mithra et la déesse n'étant pas si nets qu'on a voulu le soutenir. L'auteur penche pour l'hypothèse d'un transfert de ces statues, à partir du temple d'Isis regina, attesté par l'épigraphie sur l'emplacement des castra peregrinorum. Après l'abandon de la caserne, elles auraient été regroupées, par mesure de sauvegarde, dans le sanctuaire de Mithra qui restait seul à fonctionner, avant sa destruction, vers 377-380, ou même plus tard, la stratigraphie du site de San Stefano Rotondo étant complexe. On a seulement comme terminus ante quem la date du pavement dû au pape Simplicius (468-483) qui a scellé pour les archéologues cet ensemble d'un grand intérêt. Avec la découverte récente du mithréum de Septeuil (Oise), c'est un des plus riches apports de ces dernières années à notre connaissance de la religion mithriaque.

Henri Lavagne.

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